Sauvons la recherche
Par Tizel le jeudi 3 février 2005, 18:35 -
Enseignement
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A l'occasion de l'étude de la Loi d'Orientation et de Programmation, une nouvelle pétition viens juste d'être lancée pour demander le réexament des propositions qui ont été faites par le gouvernement.
Pour signer l'appel, allez ici : http://recherche-en-danger.apinc.org/
Le texte de l'appel est le suivant :
Nous appelons tous nos concitoyens, scientifiques ou non, à signer cet appel.
Le mouvement des personnels de la recherche et de l'enseignement supérieur, grâce au soutien de leurs concitoyens, et face à des mesures qui mettaient en péril le système de recherche français, a obtenu en 2004 des succès importants. Un travail d'élaboration collective considérable a ensuite conduit à un document de synthèse des propositions de réformes du système de recherche en France. Il a été remis au gouvernement en novembre 2004 en vue de la préparation d'une Loi d'Orientation et de Programmation (LOP). La qualité de ce document a été reconnue par tous, y compris par le gouvernement. Or le projet de loi sur la recherche dont nous avons eu connaissance en janvier 2005, malgré un réel effort financier, constitue un retour en arrière inacceptable, compromettant une fois encore l'avenir du système public de recherche. Il serait désastreux d'asservir la recherche à des intérêts immédiats ou particuliers
La recherche possède une logique propre dont les objectifs ne se réduisent pas à ses impacts à court terme sur la vie socio-économique d'un pays. Elle doit être conduite indépendamment des intérêts particuliers, ou de la rentabilité financière : c'est un devoir à l'égard de nos concitoyens. La recherche fondamentale multidisciplinaire contribue à un enrichissement permanent de notre compréhension du monde, qui éclaire nos choix sur le long terme, et peut provoquer de réelles ruptures technologiques le plus souvent imprédictibles. Il ne s'agit pas de nier l'existence d'un lien entre innovation et recherche fondamentale, mais d'assurer les conditions d'exercice des activités de recherche qui permettent à l'ensemble de la société d'accéder aux fruits de ces activités et de décider collectivement de leurs utilisations. Il est inacceptable de détourner les deniers publics en faisant du service public de recherche un prestataire de service pour le secteur de recherche privée : les efforts en faveur de l'innovation et donc de la politique industrielle ne doivent pas être comptabilisés au chapitre de la recherche. Aucun pays au monde n'a adopté un tel modèle qui ne conduit qu'au gaspillage et à des effets d'aubaine. L'actuel projet de loi est marqué de l'idéologie absurde qui a puissamment contribué à déclencher la crise de 2004. L'évaluation de la recherche c'est la responsabilité des chercheurs
Il faut un partage clair des responsabilités. Les grands choix politiques en matière de recherche doivent être effectués évidemment par la représentation nationale. Pour agir en connaissance de cause, celle-ci doit prendre avis d'un conseil formé de scientifiques dont une majorité doit être proposée par leur communauté elle-même. Dans le projet de loi, les instances d'orientation, d'évaluation ou de décision sont essentiellement, voire exclusivement, composées de personnes nommées par le ministre. Une réforme efficace des critères et procédures d'évaluation de leur activité ne peut se faire qu'avec les chercheurs, pas contre eux ! Les organismes de recherche et les universités doivent avoir leur propre politique scientifique et en être responsables
Les Etats Généraux de la Recherche proposaient de refonder le partenariat entre organismes de recherche et universités et de leur redonner les moyens de mener une véritable politique scientifique. Cette volonté devait se concrétiser par une augmentation forte des crédits de base affectés aux organismes et aux universités, distribués sur la base d'une évaluation-contractualisation rigoureuse, distinguant la qualité et la créativité hors de tout pilotage. Or dans le projet de LOP, tous les nouveaux moyens seraient accaparés par une Agence Nationale de la Recherche (ANR) étroitement pilotée et dont les grandes orientations seraient couplées aux applications industrielles, et déconnectées de la politique des établissements de recherche. Le poids considérable donné à l'ANR (multiplication par 6 en 5 ans des crédits équivalents actuellement gérés par le ministère) est une aberration : il priverait définitivement les établissements de recherche de toute possibilité de mener une réelle politique scientifique. Les secteurs jugés sans rentabilité immédiate (depuis des pans entiers des Sciences Humaines et Sociales jusqu'aux Mathématiques) seraient rapidement condamnés.
Nous proposions un ensemble de mesures pour améliorer l'articulation entre élaboration et transmission des connaissances. L'essentiel de ces mesures est ignoré ou détourné. Ce lien fondamental doit être réaffirmé par la création d'un ministère de la Recherche, l'Enseignement Supérieur et la Technologie. Nous proposions d'associer localement, dans des structures multidisciplinaires (les Pôles de Recherche et d'Enseignement Supérieur, PRES), les différents partenaires de l'enseignement supérieur et de la recherche publique et privée. Outils d'aménagement du territoire, ils devaient permettre d'optimiser les projets de recherche et l'offre de formation dans toutes les disciplines, de faciliter les conditions d'exercice de la recherche des enseignants-chercheurs, de servir d'interlocuteur aux acteurs économiques et sociaux souhaitant nouer des collaborations avec des laboratoires de recherche publique. Les PRES prévus par la LOP deviennent très restrictifs, et visent à concentrer les moyens dans quelques centres et thèmes très finalisés, en démembrant les universités, avec une gestion de droit privé et un exécutif nommé par le ministre. Pour aller de l'avant il faut créer des emplois à la mesure des enjeux.
L'accroissement d'emplois statutaires proposé par le gouvernement correspond environ à un quart de ce qui est nécessaire. Implicitement, les autres emplois à venir, qui viendront en soutien aux projets retenus par l'ANR, seront des CDD. Pense-t-on pouvoir employer des chercheurs, ingénieurs et techniciens expérimentés et obtenir d'eux l'engagement nécessaire à la compétition internationale en faisant d'eux des intérimaires à des niveaux de rémunération bien inférieurs à ceux des autres pays industrialisés ou du secteur privé ? Il est vital de pouvoir attirer des jeunes vers des carrières de recherche et d'enseignement supérieur. Le projet de loi les en éloignera. Ce projet fait l'impasse sur le problème de fond : comment intégrer durablement au système de recherche ou au secteur économique français les générations de jeunes docteurs ? Si le gouvernement se préoccupe réellement de la recherche industrielle, il doit faire des propositions pour que les jeunes docteurs aient leur place dans les entreprises.
Le gouvernement veut appliquer sa recette miracle : diminuer partout le nombre de fonctionnaires. C'est incompatible avec les objectifs qu'il s'est lui même fixé. Si nous voulons former des jeunes à l'université et avoir une recherche compétitive au niveau international, il va nous falloir rattraper le retard notamment en matière d'emploi scientifique et d'enseignement. Les décharges d'enseignement pour les enseignants-chercheurs, accordées sur la base de leur projet de recherche, sont indispensables pour les placer dans les mêmes conditions de travail que leurs homologues européens, afin d'éviter un désengagement parfois irréversible de leur activité de recherche. Le gouvernement doit revoir sa copie
Le projet de LOP le reconnaît : une augmentation annuelle d'un milliard d'euros pour la recherche par an durant 5 ans est possible. Précisons que ceci ne constitue que la moitié de l'effort supplémentaire nécessaire pour atteindre les 3% promis pour le budget de la recherche en 2010. Cette augmentation d'un milliard d'euros par an est nécessaire pour la recherche publique si l'on veut que la France reste l'une des nations qui créent les connaissances nouvelles, celles du monde de demain. Cet investissement ne doit pas être détourné. Le soutien public à l'innovation dans les entreprises ne peut se faire aux dépens du soutien à la recherche fondamentale sans laquelle il n'y aurait pas d'innovation ! Nous demandons solennellement qu'un nouveau projet de loi soit élaboré, qui reprenne les recommandations et la programmation budgétaire faites par la communauté scientifique dans le texte des Etats Généraux de la Recherche.
Commentaires
Des chercheurs qui cherchent, on en trouve (beaucoup) et des chercheurs trouvent on les cherche.
C'est clair il y a maintenant saturation dans ce métier, en effet le résultat obtenu est miminime par rapport au nombre de chercheurs qui édudient.
L'offre ne peut donc pas absorber toute la demande et les autres pays n'ont même pas besoin de nos bons chercheurs Français.
Au lieu de s'obstiner à troubler l'ordre public pour défendre une cause déjà perdue d'avance pour la plupart d'entre-eux, il vaudrait mieux que certains se reconvertissent... A aller planter des choux par exemple.
Bonne chance à tous.
J'ai beaucoup de mal à comprendre ta réaction. Certes, il y a beaucoup de chercheurs, certes, il y en a beaucoup qui ne sont pas compétents. Mais il y en a aussi énormément qui font un travail formidable.
Sacrifier la recherche parce qu'elle n'est pas immédiatement rentable, c'est trés dangereux. Certes, la recherche publique ne peut tout faire, mais sans recherche, la France et l'Europe risque de devenir des pays du tier monde.
Des pays comme la chine ou le japon investissent massivement en recherche et développement. S'ils sont les leaders dans les domaines des technologies de pointes, ce n'est pas parqu'ils ont attendu que les autres trouves et cherchent à leur place. Actuellement, nous délocalisons de plus en plus les outils de production dans les pays où la main d'oeuvre est moins couteuse. Certaines entreprises n'ont plus qu'un rôle de "packaging", de "vente" et de "publicité", mais les pays producteurs n'auront pas éternellement besoin de nous pour vendre et acheter.
Sans recherche en France et en Europe, nous n'aurions pas eu de téléphone portable (GSM est une technologie européenne que les américains nous envient), nous volerions en Boeing (pas d'Airbus), c'est les Etats Unis ou les Russes qui lanceraient nos satellites (et bientôt les chinois, Ariane n'existerais pas), nos centrales électriques seraient au charbon (pas de centrales nucléaires), Renault serait aux oubliettes et nous roulerions tous en Toyota, les pneus serait des Dunlop (Michelin se contentant de faire des cartes routiéres), nous irions à Marseilles en train de nuit (pas de TGV)... Je n'ai cité que les projets les plus emblématiques, mais la recherche que nous avons mené il y a 20 ou 30 ans fait aujourd'hui travailler des milliers de personnes.
Avec plus de recherche, nous n'aurions sans doute pas été aussi à la traine en matiére d'informatique que nous ne le sommes vis à vis des américains; sans doute aurions-nous des parts de marché beaucoup plus importantes dans l'électronique (ecran plat, HiFi, jeux-vidéos, apareils photo numériques...) et peut-être qu'aujourd'hui, nous ne saurions pas aussi à la traine au niveau recherche médicale.
Cher TIZEL. Je veux bien admettre à la limite tout ce que vous voulez. Mais quoique l'on dise, il me semble que c'est l'aspect du coût financier qui domine ; dans ce domaine là, il n'y a pas de place à la litérature et au bout du compte, c'est toujours le contribuable qui en subis les conséquences de façon insidieuse.
Comme dans beaucoup de domaines, il y a un tassement dans le résultat dans les recherches entreprises (en pharmacologie, les progrès évoluent depuis plusieurs années à "saut de puce" ; en Hi-Fi, mis à part le desing et les supports, il n'y a plus de progès significatif depuis 25 ans (il ne faut pas confondre haute fidélité et stéréophonie)...).
Même si les chercheurs se sont brillamment illustrés dans le passé en réalisant un travail honorable pour la collectivité (en contre-partie d'un salaire quand-même), il est à mon sens dangereux pour l'intérêt général de conserver autant de chercheurs en surnombre sur le marché du travail.
Le salaire horaire, est 0.50 Dollar en Chine et 16 Dollard aux Etat Unis (le coefficient de de 40 s'il vous plait). A compétence égale, les décideurs ne nous demandront certainement pas notre avis pour faire leur choix.
C'est difficile de lutter face à cette réalité économique
et quoi faire ? Aller planter des choux ? (C'est vrai que la vocation première de la France était agricole.
Mon point de vue n'engage que moi, d'autant plus que je ne suis pas dans la profession et je vous envoi mon bonjour de l'Ile de la Réunion (38°C en ce moment).
Que la recherche en France soit globalement inefficace, c'est une chose. Il n'en reste pas moins qu'elle reste essentielle à notre développement économique (sauf à vouloir faire partit du club trés peu enviable des pays du quart monde).
Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que l'argent n'es pas tout. Il est clair que plus d'argent, sans une réorganisation profonde de l'organisation de la recherche en France ne servirais à rien. Mais sans argent, il ne faut pas non plus s'attendre au moindre résultat.
Dire que seul l'argent motive les chercheurs est bien mal les connaîtres. Toutes les déclarations qui ont été faites par les chercheurs demandent, parallélement à une revalorisation des budgets, une réorganisation profonde de la recherche en France.
cher Tizel
Un chercheur ne peux pas être à la fois "juge et partie". Je pense que vous comprendrez qu'il y a quelque part un conflit d'intérêt et que les conseilleurs ne non pas les payeurs.
Le chercheur n'est donc pas objectivement en mesure de déterminer lui-même, s'il faut encourager la recherche où pas.
C'est théoriquement le travail des décideurs (avec l'appuie d'experts indépendants), qui sont en mesure de décréter de façon objective, ce qui est utile pour le contribuable.
S'il y a surnombre dans la profession, il faut laisser se faire l'épuration de faon naturelle. C'est certain, il y en a qui resterons sur le bord du chemin, ce n'est pas la première fois que cela arrive et malheureusement c'est la vie.
Les plus audacieux vont se recycler et certains seront même avantagés (on sait ce que l'on quitte, mais l'on ne sait pas ce que l'on prends).
Salutations
Que ce ne soit pas les chercheurs qui doivent dicter les budgets de l'état, c'est certain. Mais, ils ont tout de même le droit de tirer le signal d'alarme lorsqu'ils estiment que leur métier est en danger. Au dela de la recherche en France, c'est l'évolution de l'enseignement supérieur en France qui est en jeu. L'état des laboratoires n'est pas loin de l'état de certaines facultées en France.
Dans notre pays, un colégien coute parait-il moins cher qu'un étudiant en université. N'y aurait t'il pas un probléme quelque part. Savez vous quel est le cout de formation d'un ingénieur ou d'un docteur en France ? Nous en formons des dizaines chaque année (au compte des contribuables), pour ne pas utiliser leur compétences à l'issue de leur formation. Ne serais-ce pas plutôt là que ce situe le gachi de l'argent public ?
Des pays comme la Finlande ont investit énormément dans la recherche. Leur taux de chomage aujourd'hui est presque nul
A mon avis, il n'est pas nécessaire d'augmenter énormément les budget recherche, mais il faut que ces investissement soient réguliers. On ne peut obtenir de résultat réguliers quand les budgets varient du simple au double d'une année sur l'autre, au grés des changement de couleur politiques.