Le 6 juin dernier, le tribunal administratif de Toulouse à condamné l'état français et la SNCF à verser 62.000€ à la famille Lipietz pour réparation suite à la déportation, en 1944 de 4 membres de cette famille dans le camp de Drancy. L'état devra verser 2/3 de cette somme, et la SNCF 1/3.

La famille Lipietz à beau s'en défendre, j'ai du mal à voir autre chose dans ce procès qu'une affaire de gros-sous totalement déplacée. Pour moi, loin de raviver la mémoire, cette affaire entâche fortement le respect du aux victimes de l'un des plus grands crimes organisé qu'ai connu l'humanité. Quel signal envoi-on ainsi aux générations qui n'ont pas connu cette période trouble de notre histoire ? La famille Lipietz à obtenu réparation, le crime a été jugé : il est réparé, on n'a plus à en parler. Il est possible de demander réparation, pour un tel crime, de façon tout aussi légère que "50 millions de consommateurs" demande réparation pour des prestations mal assurées. Toujours est-il que ce procès à ré-ouvert une boite de pandore : 200 familles de déportés ont, cette semaine, envoyé une requête à la SNCF pour, eux aussi, obtenir une juste "réparation".

Ces réactions ont tendance à me scandaliser. Je ne nie pas les traumatismes qu'ont pu subir les victimes de ces crimes, mais peut-on encore les juger aujourd'hui ? Cela me met assez mal à l'aise quand je vois des personnes, qui n'ont pas connu cette période fortement troublée, statuer sur les responsabilités de chacun à cette époque. Il est facile de juger des décisions et des actes de personnes ou d'entreprises plus de 60 ans après, surtout maintenant qu'on en connaît les conséquences et la portée. Mais nous, qu'aurions nous fait à cette époque à la place de certains décideurs, dans la situation où nous aurions été, et sans les connaissances que nous en avons actuellement ? La chanson de Goldman "Né en 17 à leidenstadt" est à méditer. Les principaux acteurs de ces procès - juges et avocats - n'ont pas du tout connu cette période. Il y a même fort à parier que certains d'entre eux auraient participé à l'organisation de ces déportations.

LA SNCF d'aujourd'hui n'est plus celle des machines à vapeur et des wagons à bestiaux, la troisième classe a été supprimé depuis des lustres. Plus aucun cheminot en poste actuellement, plus aucun dirigeant de cette entreprise, n'est, de prés ou de loin, responsable de ce qui s'est passé à cette époque. Aucun d'entre eux n'a connu cette période, et pour cause, aucun n'était né. Et pourtant, en condamnant la SNCF, on fait indirectement peser une telle responsabilité sur des employés respectueux de leur entreprise. La SNCF entretient depuis des années le devoir de mémoire en organisant notamment des expositions dans les gares ? Pourquoi devrait-elle continuer aujourd'hui s'il lui suffit de signer un chéque pour solder un passé dont elle faisait jusqu'ici la publicité par devoir de mémoire, presque contre son intérêt.

Je souhaite à la famille Lipietz de faire bon usage des 62000€ qu'ils viennent d'acquérir. Ils ont obtenu réparation, mais ont gravement entaché la mémoire de leurs aïeux. Au final, on a bien plus parlé dans les médias de la somme d'argent obtenu en réparation que de ce qu'a pu subir les membres de la famille Lipietz qui ont été déportés...