La panique chez Airbus
Par Tizel le jeudi 5 octobre 2006, 23:12 -
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Où quand certains oublient le sens d'un défit technologique
Airbus viens d'annoncer, pour la seconde fois cette année, des retards dans la livraison de son avion gros porteur : l'A380. Beaucoup paniquent devant ce retard et annoncent déjà le fiasco qui pourrait en résulter si, par malheur, le programme de commercialisation prenait, une nouvelle fois du retard. Paradoxalement, pour moi, ce retard est tout à fait normal. Airbus s'est lancé sur un projet révolutionnaire, un véritable défi technologique, avec un échéancier coupé à la hache. Hors, s'il est possible de réduire à outrance les délais sur des choses que l'on sait parfaitement faire - une nouvelle voiture par exemple, ou un nouvelle avion de taille normale comme l'A350 - il était beaucoup plus complexe de prévoir à l'avance tous les problèmes que l'on pourrait rencontrer en créant le plus gros avion du monde. Comme d'habitude, ce qui coince, ce sont des petites choses que l'on avait pas prévu. On a toujours su câbler des avion ; on avait pas prévu que câbler un avion aussi gros, avec la multiplication des gadgets technologiques et les contraintes en la matière de l'embarque aérien, poserait beaucoup plus de problème que pour un avion de ligne normal. Airbus à péché par excès de confiance...
Doit-on pour autant parler de fiasco ? L'avion est là, il vole. Il finira par sortir, certes avec quelques mois de retard, mais bon, à l'échelle humaine, c'est peu de choses. L'avion répond à un réel besoin - contrairement à ce qu'il en était du concorde - et les carnets de commande sont plein. Nul doute que dés que les premiers avions seront sortis, il sera plus facile pour airbus de planifier les dates de livraisons - et donc de commencer à remplir à nouveau leur carnet de commande.
Commentaires
Le défi est certes technologique, mais il y a aussi un gros problème de gestion des données CAO entre les différents sites d'Airbus (Allemagne, Espagne, France, Angleterre ) ; traditionnellement, depuis le début des années 80, c'est le logiciel Cadds (de Computervision puis Parametric Technology : Cadds 3, puis Cadds 4 et enfin Cadds 5) qui a été utilisé dans la sphère aéronautique autour d'Aérospatiale ; le programme A380 a marqué le début d'une migration vers les logiciels de Dassault Systèmes (Catia ) ; A380 s'est donc trouvé développé à travers l'Europe sous 3 versions de logiciel :
Catia V4 en Espagne et Allemagne
Catia V5 et Cadds 5 en France et en Espagne
un panel de ces 3 logiciels chez les sous-traitants
Les données sont visibles sous forme de maquette numérique globale (gérée par un produit Parametric Technology - je crois )
Ce mélange de logiciels pas directement compatibles a entrainé des retards dans la mise à jour des modifications (en particulier cablage électrique) entre l'Allemagne et la France - qui normalement apparaissent "quasiment en temps réel" sur la maquette numérique ; certaines erreurs de cablage ont donc été découvertes "physiquement" et non pas sur écran.
Le vrai défi, ce n'est pas de faire voler un gros avion, c'est donc surtout de le concevoir en faisant travailler simultanément plusieurs bureaux d'études avec des logiciels et des gestions de données différentes...
Assembler à Toulouse une carlingue fabriquée à Hambourg pose d'halluciants problèmes logistiques. Il y a un moment où les équilibres politiques entre pays se sont forcément au détriment de la productivité.