De plus en plus, que ce soit à la radio où la télévision, les journalistes ont recours au micro-trottoir (ou au sondages sur Internet) pour sonder l'opinion publique et illustrer leurs propos. Cette méthode est très efficace au niveau "illustratif" : elle fournit des bandes son et des images à bas coup, pour illustrer des sujets pas toujours évidents à illustrer. Pas contre, sur le plan journalistique, elle est plus que discutable. Problème, cette méthode est devenue la règle pour illustrer tout et n'importe quoi.

Et voilà comment on demande son opinion à ma concierge en ce qui concerne le réchauffement climatique :

- Alors Mme Michu, pensez vous que le réchauffement climatique est une réalité ?
- Bah non, vous voyez bien qu'il gèle à pierre fendre et que l'été, il pleut !!!

Voilà comment on demande à Marcel, mon garagiste, si l'année 2009 a été un bon cru :

- 2009 a t'il été selon vous une bonne année ?
- Pour le beaujolais, sans doute, mais pour les affaires, pas vraiment. Avec toute les voitures neuves qui se sont vendues, je n'ai plus de réparations à faire.

J'en passe et des meilleurs... Sur les radios, les animateurs font intervenir les auditeurs sur tout et n'importe quoi. Une catastrophe car l'addition de quelques opinions particulières ne rend pas compte de l'opinion générale, et encore moins de la réalité des faits. On s'en rend compte par exemple à chaque élections avec l'évaluation, au combien difficile, du vote des extrêmes. On s'en rend compte aussi quand on interroge les gens sur des questions de sociétés où les a priori viennent déformer la réalité des faits. Comme le soulignait il y a quelques mois un scientifique, le malheur aujourd'hui c'est que, devant les caméras, un petit lascar est plus crédible pour parler des problèmes des banlieue qu'une sociologue ayant fait une thèse sur le sujet. C'est bien dommage...

Les journalistes - souvent sans s'en rendre compte - manipulent l'opinion. Prenons le cas de la grippe H1N1. Au départ, cela devait être une pandémie comme on en a pas connu depuis la fameuse grippe espagnole. Puis on en a plus parler. Quand le vaccin est arrivé, c'était a savoir si il y aurait assez de doses, et comment on allait se les partager. La psychose aidant, on a acheté masques, gel pour les mains, tamiflu et vaccins... En quelques jours, les pharmacies ont été dévalisées. La campagne de vaccination allant démarrer, on a sondé l'opinion. Personne ne voulait plus se faire vacciner par peur des effets secondaire. La campagne de vaccination a démarré, tout le monde s'est réveillé, les centres de vaccinations ont été pris d'assaut. Et aujourd'hui, on nous dit que moins de 10% de la population s'est fait vacciner, et que 30% serait sans doute déjà immunisé. C'est à ne rien y comprendre. Arrive t'il aux journalistes de porter un regard critique sur l'information qui leur arrive ? Ils travaillent de plus en plus dans l'instant et ont sans doute de moins en moins le temps - et peut être les capacités - de prendre du recul sur l'info qui arrive, de la traiter, de l'analyser, de la recouper. Bref, de faire la première étape du travail de journaliste, avant la seconde qui est d'informer.