De la difficile question du redoublement
Par Tizel le mardi 15 octobre 2013, 08:39 -
Enseignement
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Le redoublement n'est peut être pas une solution, mais le passage automatique n'en est pas une non plus
Faire redoubler un élève n'est jamais une décision facile. Faire redoubler un élève reviens à lui demander de refaire la même chose afin qu'il assimile mieux les concepts qu'il n'a pas pu acquérir en un an. Le bénéfice du redoublement dépend fortement de la façon dont ce redoublement est perçu.
Si cela est vu par l'élève comme un jugement négatif sur ses capacités intellectuelles (plus que sur son niveau), comme une année perdue, bref, comme une sanction, il y a peu de chances que le redoublement soit bénéfique. Le comportement de l'entourage a aussi son importance : si l'élève n'a pas le soutient de ses parents, qu'il n'a pas une bonne relation avec son ou ses enseignants, cela peut s'avérer difficile pour lui, d'autant plus qu'il voit tout ses copains monter en classe supérieure, alors que lui doit s'intégrer dans une nouvelle classe où les autres élèves se connaissent déjà et sont plus jeunes que lui.
Le redoublement peut - par contre - être très bénéfique s'il est accepté par l'élève et qu'il a le soutient de sa famille. Cela dépend en grande partie de la maturité de l'élève (un redoublement ne sera pas perçu de la même façon suivant l'élève, suivant son age) et la maturité de la famille (qui est parfois, et malheureusement, bien en deçà de la maturité de l'élève).
Bon élève, je n'ai jamais redoublé. J'ai cependant souvent eu l'occasion d'observer ou discuter avec des redoublants. Certains - souvent des garçons au collège - n'étaient pas du tout intégrés à la classe, pas du tout intéressés au cours. Pour ceux là, le redoublement était une seconde année perdue (et accessoirement perturbaient les autres). Pour d'autres - souvent des filles au lycée en seconde - elles admettaient qu'elles n'avaient rien foutu de leur année passée, qu'elles regrettaient, et je peux témoigner qu'elles s'accrochaient.
On entends souvent les politiques et les médias remettre en cause le redoublement. Au vu du portrait que j'ai dressé en ce début d'article, on comprend bien que cela reste une expérience au succès incertain. Mais cela n'en reste pas moins, en l'état actuel des choses, un outil indispensable. Car faire passer, comme on le préconise souvent, les élèves qui n'ont pas acquis les bases nécessaires pour suivre dans le niveau supérieur est encore plus stérile... Stérile pour l'élève, qui se sent largué donc exclu, donc démotivé. Pour les autres élèves dont il perturbe souvent le travail. C'est impressionnant parfois les ravages produits par les lacunes que se trainent certains élèves sur des années. Il n'y a que regarder les commentaires sur un réseau Facebook pour voir que la plupart des lycéens, de niveau bac, ne maitrisent pas les règles les plus élémentaires de grammaire et d'orthographe (non pas qu'ils ne les connaissent pas, mais ils ne les ont pas intégré de façon réflexe, et donc, s'ils ne font pas d'efforts, écrivent phonétiquement). Le passage automatique n'incite pas non plus les élèves à travailler et à se dépasser. Premier et derniers de la classe passerons...
Le passage automatique est stérile s'il n'est pas assujettit à des mesures d'accompagnement personnalisées. Par ailleurs, on constate que certains élèves acquièrent certaines notions bien plus rapidement que d'autres et s'ennuient en classe. La solution passe donc peut être par une individualisation des parcours. A l'heure de l'évaluation par compétences, cela devrait quand même être possible, non ? Cela reviens, quelque part, à refaire des classes de niveau, mais matière par matière (ou groupe de matière par groupe de matière, car il est rare qu'un élève soit par exemple, excellent en Français et complétement nul en Histoire/Géographie).
Il y a grosso-modo 5 niveaux en primaire, 4 au collège et 3 au lycée. Cette individualisation est peut être difficile à mettre en place, mais elle est peut être possible.
Pourquoi, par exemple, dans les écoles primaires, ne pas mettre en place une classe relais, à faible effectif, qui prendrait pendant 6 mois à un an un écolier pour le remettre à niveau dans les matières fondamentales qui lui permettraient de raccrocher - soit sa classe d'origine - soit la classe de sa promotion inférieure ? Cela permettrait de prendre en charge les élèves en état de décrochage en amont de ce décrochage.
Au collège, cet individualisation pourrait permettre de raccourcir le parcours de certains (3 ans pour les meilleurs) et d'allonger le parcours d'autres (5 ans pour ceux qui ont certaines difficultés). Un élève pourrait avoir un emploi du temps allégé dans les matières où il n'a pas de difficultés, et un emploi du temps plus chargé dans les matières où il a plus de mal.
Au lycée, un certain socle commun devrait déjà être acquis. La personnalisation passe par le choix des différentes filières vers lesquelles s'orientent les élèves. Là encore, des heures d'accompagnement pourraient leur être proposés dans les matières où ils ont quelques difficultés.
Ainsi, il n'y aurait peut être plus stricto sensus de notion d'années, mais de niveau et de compétences à acquérir pour passer du primaire au collège, et du collège au lycée. Charge à l'institution de prendre en charge les étudiants n'ayant pas atteint le niveau minimum requis, ce qu'elle ne fait pas actuellement puisqu'elle les fait passer par défaut faute de solution adaptée.