Le quai de Ouistreham

Florence Aubenas est une journaliste de terrain, assez étonnante. Comme beaucoup, j'en ai entendu parler lorsqu'elle fut prise en otage en Irak en 2005. Puis plus rien, jusqu'à ce que je découvre ses reportages de terrain, où elle décrit la vie des petites gens, leurs préoccupations quotidiennes, avec une vrai plume de journaliste, c'est à dire factuelle, sans jugement. Pour vous en faire une idée, vous pouvez lire sur Le Monde, son reportage sur les mères adolescentes du Thièrache, dans l'Aisne.

Son reportage, le quai de Ouistreham, a donc fortement piqué ma curiosité. Pendant 6 mois, la journaliste s'est mise dans la peau d'une personne en recherche d'emploi, plongée dans l'univers kafkaïen de la précarité et de pôle emploi. Sans expérience, et avec son seul bac en poche - tout au moins sur son CV - elle fut rapidement orientée vers le travail d'agent d'entretien (ou pour parler plus ordinairement, de femme de ménage). C'est là qu'elle a découvert un monde qu'elle méconnaissait, où - tel un intermittent précaire - on ne cherche pas un emploi, mais on cumule des heures de travail, dans différentes entreprises, et à horaires décalés : principalement le matin, très tôt, et le soir, très tard. On découvre aussi les difficultés de ces personnes qui - sans jamais se plaindre - cumulent les heures, mais galèrent pour boucler leur budget et se demandent de quoi demain sera fait. Au fil de son reportage, Florence Aubenas a également aussi su saisir les petits plaisirs qui viennent agrémenter leurs journées, su capter les motivations de ces personnes, loin des clichés que certains leur prêtent.

Bref, ce n'est pas un reportage grandiloquent sur ce qui se passe à l'autre bout du monde, mais une description du quotidien d'un grand nombre de français en début de ce 21ième siècle. Un reportage que feraient bien de lire certains de nos décideurs, de nos dirigeants pour découvrir un monde qu'ils semblent méconnaitre. Une leçon d'humilité, a laquelle nos politiques, de tout bords, devraient être confrontés, comme le souligne si bien Michèle Delaunay (députée Socialiste) dans son dernier billet "Le tunnel, ou comment faire carrière sans mettre un pied dans la vraie vie".