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Il y a quelques jours, France 2 diffusait un reportage édifiant sur la fabrication de nos téléphones portables. L'émission, "Cash Investigation" est plutôt directe et entend dénoncer des choses, preuves à l'appuie. Le reportage était monté en deux parties : la première, sur la fabrication en elle même de nos téléphones, en chine, et la seconde, sur les matières premières qu'elles contiennent. La fabrication - ou plutôt l'assemblage - de nos téléphones fait largement appel à de la main d’œuvre bon marché, faisant parfois appel à l'exploitation d'enfants. Les matières premières - et ce n'est pas spécifique à nos portables, mais à toute l'industrie High-Tech en général, font appels à des métaux rares, extraits de mines en Afrique ou en Chine, dans lesquels, là encore, on retrouve des enfants. Les constructeurs se cachent derrière une succession d'intermédiaires pour dire qu'ils ne sont pas au courant, mais ils se font en même temps des marges importantes, qui devraient leur permettre de contrôler la chaine de leur production. Mais cela devrait sans doute les obliger de rogner sur leurs marges...

Ce reportage ne faisait que révéler ce qu'on sait tous déjà, au fond de nous, sans vraiment nous l'avouer : que des gens, parfois des enfants, sont exploités à l'autre bout du monde, au péril de leur vie, pour fabriquer des produits que nous payons parfois cher, alors qu'ils sont payés une bouchée de pain (juste pour avoir de quoi se nourrir). Une situation que semblait découvrir, bon nombre de multinationales de l’électronique (pour ne pas dire toutes). Cela aurait pu en rester là, si nous n'avions pas assisté dans ce reportage à une scène surréaliste, où le président de Huawei France - François Quentin - interrogé à la sauvette - au vu des difficultés des journalistes à obtenir une interview en bon et due forme - s'énerve et demande à Elise Lucet - journaliste de renom, qui présente les journaux télé français depuis 1990 (24 ans) - sa carte d'identité et sa carte de presse. Bon, qu'il ne l'ai pas reconnu sur le moment, passe encore, mais le plus gros a été sa réaction suite à la diffusion du reportage. Il a déclaré à l'usine nouvelle "j'ai activé tous mes réseaux et Madame Lucet n'aura plus aucun grand patron en interview, sauf ceux qui veulent des sensations extrêmes ou des cours de Media Training !". Une déclaration plus que maladroite, qui a entrainé un effet boule de neige sur les réseaux sociaux et Internet. Hallucinant qu'un chef d'entreprise de hautes technologies réagissent ainsi, avec des méthodes peut être acceptables en Chine, mais certainement pas en France. Il serait intéressant de connaitre le nom des chefs d'entreprise de son réseau, qui souhaitent s'isoler des rédactions de France Télévision (et de tous les médias en général, qui ne se sont pas génés pour reprendre l'info et exprimer leur solidarité envers leur confrère). Comme le soulignent certains sur Twitter, c'est un peu la confrontation entre les vieux réseaux d'influence et les nouveaux réseaux sociaux.

François Quentin est revenu sur ses menaces, beaucoup trop tard pour être crédible. Ce cas est un cas d'école de ce qu'il ne faut pas faire en communication. Je suis sur qu'on étudiera ce cas dans certaines écoles un jour, en le comparant à la réaction du PDG de Wiko, qui fut le seul à réagir intelligemment, sans nier une réalité évidente.

Bref, un enchainement de réaction qui m'a quand même mis hors de moi, surtout venant de sociétés de ce type, qui ont les moyens de mener des contrôles et faire pression sur leurs fournisseurs. Une réaction d'un autre age, qui fait peu de cas de la cause des adolescents exploités par ces multinationales.