Proviseur mis à l'index
Par Tizel le lundi 23 janvier 2006, 13:09 - 4977 lectures
Enseignement
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La communauté blog se mobilise...
Il officiait sous le pseudonyme de Garfield. Son blog (www.garfieldd.com) a disparut depuis, mais sa version cache est encore lisible dans le cache de Google et sur la Wayback Machine. Il était proviseur, il parlait sur son blog de sa vie personnel et professionelle. Attiré par les hommes, il parlait de ses doutes, de ses espoirs, de ses espérance. Il y parlait aussi avec passion de son métier, sans pour autant mélanger les deux aspects de sa vie... Et pourtant, l'éducation nationale a trouvé cela dégradant pour la haute institution qu'elle n'est plus depuis longtemps aux yeux de nos concitoyens. Elle a jugé que ce proviseur ne devait plus exercer ses fonctions, non pas parce qu'il n'était pas compétent - sans doute serait-il trop dur de mettre à la porte tous les proviseurs et fonctionnaires incompétents - mais parce qu'il tenait un blog.
Il a donc été révoqué. La révocation, c'est la plus haute sanction qui puisse être donné à un fonctionnaire. Il ne peut plus exercer de métier dans la fonction publique, ne peut prétendre a recevoir sa retraite de fonctionnaire... Mais pour quelle raison ? Il n'a rien fait qui soit répréhensible aux yeux de la loi. S'il avait tabassé un élève, il aurait était mis dans un placard le temps d'attendre son jugement. En cas de condamnation, peut-être aurait-il écopé un blâme ou une révocation - et encore, seulement s'il avait pris un plaisir sadique à tabasser un élève. Là, rien de tout cela, il n'a fait que tenir un petit journal en ligne.
Les personnes qui ont révoqué ce proviseur auraient sans nul doute été plus avisés de lire le contenu de ce blog et les blogs des autres fonctionnaires qu'ils emploient. Il auraient pu prendre connaissance des difficultés que ces personnes rencontrent dans l'exercice de leur métier. Agissant avec des oeillères, ils ont préféré monter l'affaire en épingle, sans même tenir compte des états de service de ce fonctionnaire. Si le blog dérangeais, n'aurait-il pas été plus simple de lui demander de le fermer ? Non, dans ce cas, on sort l'artillerie lourde.
Il était homo, il mettait en ligne des photos d'hommes pour illustrer ses articles. Elles ont été jugées comme étant pornographiques par la comission qui l'a révoqué. Sans doute que ces fonctionnaires de l'éducation nationale ne vont pas souvent visiter les blogs des élèves qu'ils accueillent dans leur noble institution. Ils en seraient autrement plus choqués (quoiqu'il faut avouer que ces blogs étant écrits en langage SMS, ils ne doivent pas y comprendre grand chose).
Mais la réalité est là. La communauté des blogs s'est fortement mobilisé pour défendre l'un des leurs. Et c'est encore une fois une opération de communication qui viens fortement décrédibiliser une éducation nationale qui semble avoir bien du mal à s'adapter à son époque. Monsieur De Robien a annoncé prendre en compte le recours gracieux de Garfield et annoncera prochainement une sanction disciplinaire plus adaptée. Sa décision est attendue avec impatience par la communauté blog qui, pendant ce temps là, ne cesse de grandir.
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Commentaires
Texte issu du blog de Garfieldd, récupéré sur la Wayback Machine Respect : Est-ce le type de texte qui offense la noble institution qu'est de l'éducation nationale ? Peut-être dérange t'il certains ?
Oui le sujet est ouvert de manière claire
Aucune ambiguïté, nos rapports sont sincères
Oui c'est clair, je vous parle de respect
Et je vous parle de cette valeur qui se perd, en effet!
Hein, le monde moderne dissout les vraies valeurs
Say hein, là il ya de quoi avoir le coeur en
Mille-mille morceaux,
Car les villes-villes aussi !
Sont touchées par le manque de respect !
Lors du conseil de classe du premier trimestre, au mois de décembre dernier, l'ensemble des professeurs a décidé d'infliger à cet élève de BEP un avertissement pour son manque de travail et un comportement trop désinvolte.
Depuis que Ségolène Royal est passée au ministère de l'education nationale en temps que secrétaire d'état, on n'a plus le droit d'écrire sur un bulletin la mention "Avertissement du Conseil de Classe". C'est infâmant. On craint que l'élève vive difficilement d'être cloué au pilori d'un trait de stylo rageur. Son équilibre psychologique est en jeu, la construction de sa personnalité est compromise. De mon point de vue, en voulant protéger à outrance l'élève, on stigmatise l'enseignant. On dénie aux enseignants le droit de juger. On leur refuse le droit de faire un bilan, on hésite à les laisser juger, jauger, évaluer, noter... Et on présuppose évidemment que les futurs enseignants n'auront pas l'intelligence suffisante pour se forger leur propre opinion sur un élève préalablement marqué au fer rouge.
De mon point de vue, le véritable outrage à l'intelligence et à la justice, il est là : dénier aux enseignants la latitude de faire un bilan, quitte à ce qu'il soit ouvertement critique, négatif voire alarmiste.
L'élève en question donc a eu un avertissement du conseil. Avec le bulletin trimestriel, la famille a donc reçu un formulaire séparé lui indiquant la décision du conseil de classe et lui demandant de prendre contact avec le professeur principal pour évoquer la situation.
Pas de réponse. La famille ne se manifeste pas. L'elève quant à lui ne change rien dans sa façon de faire...
On envoie un courrier en recommandé avec accusé de réception à la famille. Elle le reçoit. Ne réagit pas plus.
L'élève ne fait toujours rien. Il gêne le fonctionnement de la classe, n'est que rarement présent lorsqu'il y a des contrôles en classe.
Parce que la norme maintenant, c'est d'informer les élèves pour qu'ils se préparent aux évaluations... Il arrive maintenant que des parents excusent les mauvais résultats de leurs enfants parce qu'ils ont été surpris par une interrogation de contrôle qui n'avait pas été annoncée. Comme si la régularité des efforts n'était pas la base de la réussite pour un élève de lycée...
Mais bon...
L'élève donc ne travaille pas, se fait remarquer en classe, se fait exclure de cours avec une régularité exaspérante. Personne ne répond à nos sollicitations.
Je me fends donc d'un nouveau courrier menaçant l'élève d'un conseil de discipline.
LE rendez vous tant attendu avec la famille a donc eu lieu ce soir. Avec plus de 8 semaines de retard sur ce que l'on espérait. A deux semaines à peine du conseil de classe du second trimestre. Un bilan est dressé par le professeur principal. Des remarques sur l'absence de réaction de parents sont formulées par la conseillère d'éducation. Je fais part de mes inquiétudes sur l'avenir scolaire de l'élève. Devant ce tableau qu'elle s'évertuait à feindre d'ignorer, la famille se tait. Et puis prend quelques engagements pour tenter de raisonner le fils indigne... Je crois qu'une étape a été enfin été franchie.
Je me trompe.
J'entends les parents m'expliquer que leur fils a besoin d'être encouragé et que les profs "ils font rien qu'à le rabaisser"... Que si les professeurs font des efforts et parlent mieux à leur rejeton, celui ci fera sans doute des efforts. Que le respect doit être mutuel.
Je reste sans voix. Enfin, je reste sans voix pendant un quart de seconde.
Ainsi donc les rapports entre enseignants et élèves devraient être placés sous le signe de la parité ?
L'élève travaillerait bien sous condition ?
Peut-être, de la même façon que les professeurs notent les élèves, les élèves auraient ils le droit d'évaluer les enseignants ? Ce serait donc au professeur de s'adapter, de se remettre en cause, de faire ses preuves ?
Je suis désolé... Ce n'est pas ma conception de l'éducation. Respecter les élèves ce n'est pas leur laisser la bride sur le cou. Ce n'est pas leur faire apprendre uniquement ce qui les interesse. Ce n'est pas leur laisser croire que l'effort est une valeur ringarde. Ce n'est pas les leurrer.
Oui, le travail est contraignant. Oui, apprendre à respecter des règles, qu'elles soient de conduite ou de grammaire, c'est formateur. Oui, la culture historique et littéraire contribue à former le citoyen. Oui, il y a du bonheur à apprendre et à maitriser des idées, des concepts même si leur application n'est pas immédiatement évidente. Oui, c'est éducatif et formateur d'oser dire NON à un élève.
Non l'école n'est pas un supermarché ou une caféteria. Même si l'on aime les hamburgers, je ne suis pas sûr qu'il soit sain de laisser quelqu'un se nourrir uniquement dans un fast food sous prétexte qu'il aime ça. Nul ne pourra prétendre qu'il s'agit là d'un mode de nutrition universel, acceptable et sain.
Tant que l'institution me laissera la possibilité de diriger un établissement, je défendrai l'idée que l'élève est à l'école pour apprendre et le prof a pour mission de transmettre des savoirs, quitte à imposer des règles et des contraintes... Que l'élève et le prof NE sont PAS sur un pied d'égalité. Ce qui n'exclue bien évidemment pas le respect de l'un pour l'autre et vice-versa.
Non l'établissement n'est pas qu'un lieu de vie, c'est avant tout un lieu de transmission des savoirs.
Que les enseignements d'éveil ou de découverte soient une façon d'aider les élèves à fixer des connaissances n'occultera jamais l'impérieuse nécessité d'apprendre. Et enfin l'école ne pourra remplir sa mission, noble, indispensable et incontournable qu'à la condition expresse où le respect dû aux professeurs sera reconnu par tous. Ministres et parents. Et par les élèves. Or les élèves ne sont souvent que le fruit de l'éducation donnée par les parents et par l'image véhiculée par les médias, pas la société.
Une société qui n'est pas fière de ses profs, qui ne les respecte pas, a beaucoup de souci à se faire sur la qualité de son avenir...
Merci d'avoir mis ce texte en avant.
De rien, c'est bien normal... Il est dommage que des textes de ce type disparaissent de la toile. Heureusement que la Wayback Machine est là
Tizel